Piégés par la peur : Comprendre la phobie et ce qui se cache derrière
Nous avons tous peur de quelque chose. Nous essayons d’éviter certaines situations ou certains stimuli : les reptiles, la foudre, les piqûres, les ascenseurs, les délais… voire même nous-mêmes.
Pourtant, la plupart d’entre nous visitent sans crainte le vivarium, se font vacciner, et préfèrent l’ascenseur à dix étages à monter à pied.
Pourtant, pour certains, ces situations sont de véritables cauchemars dont ils ne peuvent s’échapper, même en plein jour, et qu’ils tentent d’éviter à tout prix, quitte à bouleverser leur vie.
Mais quand et pourquoi une « simple » peur se transforme-t-elle en phobie envahissante ? Et est-il possible de s’en libérer ?
De très nombreuses personnes concernées
Selon la définition de l’American Psychological Association (APA), une phobie, en tant que trouble anxieux, est une peur irrationnelle et excessive face à certains objets ou situations.
Les phobies peuvent être classées en trois grandes catégories :
• L’agoraphobie se caractérise par la crainte de se retrouver dans une situation difficile ou embarrassante, ou de rester seul(e) lorsque surviennent des symptômes de panique. Cette peur, persistante depuis plus de six mois, concerne généralement au moins deux des situations suivantes : utiliser les transports en commun, se trouver dans des espaces ouverts ou clos, faire la queue, ou être seul(e) à la maison.
• La phobie sociale (aussi appelée anxiété sociale) survient dans des contextes sociaux : conférence, réunion professionnelle, fête, premier rendez-vous ou même une simple rencontre. La peur est liée au jugement ou à l’évaluation par autrui.
• Les phobies spécifiques concernent une peur intense et irrationnelle d’un objet, d’une situation ou d’un être vivant précis : araignées, microbes, avions, piqûres, etc. Ces phobies apparaissent souvent durant l’enfance ou l’adolescence et, sans prise en charge, peuvent persister toute la vie. Elles touchent deux fois plus de femmes que d’hommes, et 75 % des personnes concernées souffrent de plusieurs phobies à la fois.
On estime qu’environ 19 millions de personnes aux États-Unis vivent littéralement prisonnières de leurs phobies.
En France, ces troubles touchent une part significative de la population : selon les données disponibles, environ 1 personne sur 10 en souffre, soit près de 6 à 7 millions de personnes.
Comme beaucoup d'autres à travers le monde, ces personnes sont conscientes du caractère irrationnel de leurs peurs, mais restent dans l’incapacité de les maîtriser.
Lorsqu’il leur est impossible d’éviter la source de leur angoisse, les symptômes peuvent inclure : sueurs, douleurs thoraciques, essoufflement, tremblements, vertiges, voire crises de panique.
Mais d’où vient cette peur profondément enracinée ?
L’origine des phobies – Gènes vs environnement
Les phobies peuvent-elles être héréditaires ?
Une étude de 2013, qui synthétise les résultats de recherches antérieures menées sur des jumeaux, suggère que la réponse est partiellement oui. Les auteurs ont constaté que la génétique joue un rôle notable dans certains types de phobies. Par exemple, pour la peur des animaux, la variance expliquée — c’est-à-dire la part des différences observées entre individus attribuable aux facteurs héréditaires — était de 45 %. Pour la "trinité" phobie du sang, des blessures et des piqûres, cette part atteignait 33 %.
Il est indéniable que nos traits de personnalité et notre tempérament — qui, selon des études sur les jumeaux, semblent majoritairement déterminés par nos gènes — influencent la façon dont nous réagissons à certains événements.
Il suffit parfois d’une seule chute de cheval pour qu’une personne frissonne à chaque bruit de sabots, tandis qu’une autre remonte aussitôt en selle — et cette différence ne s’explique pas toujours par la gravité de la blessure.
Mais alors, quels traits déterminent à quel groupe nous appartenons ?
Une prédisposition innée ?
Selon une étude de 2007, l’extraversion et le névrosisme (instabilité émotionnelle), deux dimensions issues du modèle des Big Five (qui décrit la personnalité selon cinq grands traits), jouent un rôle dans le développement de l’agoraphobie et de l’anxiété sociale. D’après cette étude, les personnes introverties présentant un score élevé en névrosisme sont plus susceptibles de développer ces deux types de phobies. Ce résultat n’a rien de surprenant, puisque les individus ayant un score élevé en névrosisme présentent généralement les caractéristiques suivantes :
• une anxiété et une inquiétude accrues ;
• des réactions émotionnelles plus intenses à certains stimuli ;
• une difficulté à retrouver leur équilibre émotionnel en cas de contrariété ;
• une tendance à vivre leurs émotions de manière plus marquée.
Bien que la phobie — ou du moins une prédisposition à la développer — semble être en partie innée, on observe que, notamment pour les phobies spécifiques, les facteurs environnementaux indépendants de nos gènes jouent souvent un rôle prépondérant.
Autrement dit, nous sommes plus susceptibles de développer une phobie des chiens si nous avons été mordus dans notre enfance, ou de craindre la foudre si nous avons été pris au piège, sans protection, au cœur d’une tempête.
Phobies rares
Bien que cet article ait principalement abordé les phobies les plus connues à ce jour (peur de voler, des animaux, des piqûres d’aiguilles, etc.), il existe, dans de rares cas, des stimuli inhabituels capables de déclencher des réactions phobiques. Parmi ces phobies atypiques, on peut citer :
• la globophobie : peur des ballons,
• la génophobie : peur de voir des genoux,
• l’hippopotomonstrosesquippedaliophobie : peur des mots longs (ironiquement...),
• la turophobie : peur du fromage.
D'autres phobies rares incluent :
• la éphébiphobie : peur des adolescents ou des jeunes, peut-être plus compréhensible à l’ère d’Instagram ;
• la nomophobie : plus fréquente, c’est la peur de se retrouver sans téléphone ;
• la pogonophobie : peur des barbes — un vrai défi en pleine ère hipster ;
• la pédiophobie : peur des poupées, notamment celles au regard fixe.
Et puis, il y a peut-être la plus déconcertante : la décidophobie, ou peur pathologique de prendre des décisions… Peut-être l’explication ultime de l’échec récurrent et du débat sans fin autour de la question : « Chérie, qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »
Sortir du piège de la peur
Quelle que soit la cause des phobies ou la nature spécifique de la peur, la bonne nouvelle est que, dans la majorité des cas, les traitements thérapeutiques sont très efficaces. Une seule séance de thérapie par exposition — d’environ deux heures, au cours de laquelle la personne est progressivement confrontée à l’objet de sa peur dans des conditions contrôlées — peut suffire à aider de nombreuses personnes à sortir du labyrinthe de leurs peurs. Dans 90 % des cas, les effets bénéfiques persistent même quatre ans après l’intervention.
Une autre méthode couramment utilisée est le contre-conditionnement, qui consiste à réapprendre une réponse différente au stimulus déclencheur de la phobie. Cette approche met souvent l’accent sur des techniques de relaxation, permettant de remplacer la réaction de panique et l’anxiété par une réponse plus apaisée. Le contre-conditionnement est principalement employé lorsque la thérapie par exposition n’a pas donné les résultats escomptés.
D'autres approches thérapeutiques alternatives, comme l’hypnose ericksonienne ou la méthode EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), se révèlent également très efficaces contre certaines phobies. L’hypnose ericksonienne agit en mobilisant les ressources inconscientes du patient pour reprogrammer la réponse émotionnelle face à un stimulus phobique, souvent de manière douce et progressive. De son côté, l’EMDR, initialement développée pour traiter les traumatismes, permet de désensibiliser le souvenir ou la perception à l’origine de la phobie, en sollicitant les mouvements oculaires pour retraiter l’information émotionnelle. Ces méthodes peuvent s’avérer particulièrement utiles lorsque les approches plus classiques (comme la thérapie par exposition) sont mal tolérées ou insuffisantes.
Sofia Horvath
Source: Anna B. Szabo, https://pszichoforyou.hu/fobia-es-ami-mogotte-van/